mardi 11 octobre 2016

Le traitement : première cure


  
Mardi 11 octobre

Le jour J est arrivé. Je suis admise en hospitalisation pour deux jours dans le service d'hématologie de la Polyclinique Sévigné près de Rennes.

Après la pesée d'usage, on me perfuse dans ma "chambre implantable".  La pose d'un patch anti-douleur deux heures avant s'est avérée très efficace, pas la moindre sensation de piqûre.

Le Docteur D. passe me voir puis s'ensuit le début du processus. Elle me rassure quant à l'évolution de ma maladie qui n'a pas changé : toujours de faible grade de malignité, un lymphome à petites cellules mais qu'il est temps de traiter.

Après un anti-allergique, une bonne dose de corticoïdes, commence l'injection de l'anticorps "Mabtera". Une infirmière vient toutes les demi-heures. Elle mesure ma tension, ma fièvre et, comme tout se passe bien, augmente progressivement le débit. Je rappelle que toutes ces précautions sont prises du fait du risque très élevé d'allergies avec ce médicament.

Tout s'est admirablement bien passé. On me donne ensuite un cachet devant éviter les gonflements que peuvent provoquer les corticoïdes.

Puis arrive le soir et, après avoir regardé l'émission de Michel Cimes sur les greffes d'organes, quelques heures de sommeil avec mesure de la tension toutes les quatre heures. J'ai du mal à m'endormir : la réaction de ce frère qui refuse de donner les organes de sa sœur !!! C'est impensable pour moi qui possède une carte de donneuse depuis longtemps... alors que je sais que ma maladie réduit désormais presque à néant tout prélèvement sur mon corps. 


 Mercredi 12 octobre

De nouveau la pesée et, bien que n'ayant pas trop mangé la veille (exit les paquets de gâteaux et les tablettes de chocolat), j'ai pris un kilo.
Le Docteur D. revient me voir et me donne toutes les ordonnances nécessaires pour les semaines et les mois à venir : Médication +++ et biologies 2 fois par semaine. 

12 h 30
C'est parti. Injection de Zophren pour éviter les nausées et vomissements puis le fameux corticoïde indispensable ! et voilà que les 3 produits chimiothérapiques coulent doucement dans mes veines : Cyclophosphamide, Doxorubicine et Vincristine, ces produits étant censés me conduire avec le Mabtera vers la rémission.

Tout va pour le mieux et je rentre à la maison avec la certitude que ma chute de cheveux va arriver dans une quinzaine de jours, le Doxorubicine va s'en charger. Impossible de faire marche arrière désormais.


 Jeudi 13 octobre

Après une nuit assez paisible, ce n'est pas la grande forme. Les nausées ne sont pas là mais l'urine ne coule plus et je suis très "gonflée". A la pesée, plus 5 kilos depuis mardi...

Un petit message à ma généraliste qui hésite sur le médicament à me donner. J'appelle donc Jeanne C. la secrétaire de mon hémato et elle envoie immédiatement une ordonnance de Lasilix à ma pharmacie.

Mon mari va chercher le produit "magique" en début d'après-midi et voilà qu'après s'ensuivent des allers-retours aux toilettes. Ouf cela fait du bien !
Je suis bien barbouillée : compote, banane et yaourt ont constitué mes repas.
Maman et ma sœur sont venues me voir. Nous ne parlons pas de l'adieu à papa il y a juste un an. Difficile.

Une jeune fille est venue nous faire 2 heures de ménage. Ces heures sont payées par notre mutuelle. Nous y avons droit pendant 15 semaines. Cela allégera la charge de travail de Gervais. Mais c'est peu pour la grande maison que nous avons.


Vendredi 14 octobre

Une nuit assez bonne. Envie de constater l'effet du Lasilix : moins 4 kilos. Hallucinant.

Petit déjeuner avec tout cet assortiment de médicaments. Enfin, plus qu'une journée de corticoïdes. 

Voulant m'éviter toutes douleurs inutiles, même minimes, je me suis apposée un peu de crème anesthésiante sur le pli du coude avant la prise de sang de la fin de matinée.

Il est 9 heures et je viens d'apprendre que notre famille va être encore dans l'épreuve : la mort de la dernière sœur de maman, de 10 ans sa cadette. Huit décès en un peu plus de deux ans. 
Comment maman, qui vient d'avoir 90 ans, va vivre la perte de sa sœur ? 
Je vais aller voir ma tante cet après-midi mais je n'irai pas aux obsèques.

Premier bilan sanguin : Les lymphocytes ont chuté : 454 pour 2 547 avant la cure. Nette augmentation des leucocytes ?

Tout va pour le mieux dans la mesure du possible. L'appétit a été satisfaisant aujourd'hui.


Samedi 15 octobre

Ma médication pour dormir fait son effet. Un jour peut-être, je pourrai m'en passer. Plus tard quand je serai en rémission ! Pas le moment.

Je me réveille avec une bonne migraine et les médicaments que je dois encore ingurgiter me donnent la nausée. Dernier jour pour les corticoïdes : Tant mieux.
Le Lasilix a continué à faire son effet : moins 1,5 kg ce matin. Je suis revenue à peu près à mon poids d'avant cure.

Je surveille ma fièvre et là pas de problème. Dans le cas contraire, il me faudrait encore prendre une autre médication.
Je sens mes forces faiblir. L'aplasie va commencer (diminution de l'activité de la moelle osseuse). Les jours qui vont suivre vont peut-être me faire passer du lit au canapé. C'est dans la normalité des choses.

Je me booste un peu : une petite douchette et un de mes derniers shampoings avant la chute des cheveux. Un petit coup d'oeil à la perruque qui m'attend sur une tête malléable va me remonter le moral ! 
Les mots de Lalie, ma choupinette de 9 ans : "même sans cheveux, tu seras encore la plus jolie mamie !"  Petits enfants : trésors de la vie.

Des dessins de mes petits qui m'arrivent par courrier.
Et ces "vers" de Lalie :

"Le vert, c'est la couleur de tes yeux,
 Le bleu, c'est la couleur de mes yeux,
 Et le rose, c'est la couleur de notre amour". 

Une immense émotion m'a envahie et mes larmes ont coulé. 


  Dimanche 16 octobre

Je me réveille, en l'an 1977, c'est un dimanche, j'ai 22 ans et demi et, à 23 heures, je vais mettre au monde mon deuxième bébé. Je le porte dans mon ventre depuis 9 mois. Garçon, fille ? je ne le sais pas. Je n'ai passé aucune échographie. Je vais devoir subir d'horribles contractions... Ce sera un garçon. Je me fais la promesse de ne plus jamais connaître de telles douleurs. Pourtant ! 

Non, ce jour, en 2016, j'ai 61 ans et demi, c'est aussi un dimanche, et je ne m'apprête pas à accoucher. La réalité est tout autre : je viens de faire ma première cure de chimiothérapie pour donner "une bonne claque" à cette maladie qui m'habite depuis plusieurs années. 

Ma journée s'annonce paisible. Ce matin, je ne me sens pas trop mal. Mon corps n'a plus qu'à digérer toutes les drogues ingurgitées au cours de la semaine.

Un petit désagrément qu'il me faut quand même palier : le transit. Un ou deux sachets de Macrogol dans la journée à moins que mes intestins, nourris du raisin de Gervais hier, fassent leur travail...
N'ayant pas le dégoût des aliments, je vais peut-être faire un peu de cuisine.


Lundi 17 octobre

Ma journée d'hier n'a pas été aussi "sereine" que je ne l'aurais cru. La fatigue est arrivée très vite dans la matinée et je n'ai pas pu me mettre aux fourneaux. Simple cuisson de pommes de terre vapeur !

L’appétit est moindre par rapport aux jours précédents mais je mange quand même un peu. Les joues se creusent et les yeux deviennent plus grands. 

Après le déjeuner, j'ai fait un malaise vagal. J'ai "mouillé ma chemise" comme on dit. J'ai mis un sacré bout de temps pour m'en remettre.
J'ai été contrainte à l'après-midi canapé. 
Annick, mon amie de jeunesse tellement chaleureuse, a partagé ce moment avec moi. Thérèse, ma voisine, ma nouvelle amie, est venue également. 

Et puis, maman. Oh ma petite maman qui pleure la mort de sa jeune sœur et qui s'inquiète tellement pour sa fille. Combien de larmes devra-t-elle verser avant de rejoindre son homme, l'amour de sa vie ? Celui avec qui elle a partagé 66 années de bonheur. 
Maman qui a enterré ses cinq frères et sœurs et leurs conjoints. Et du côté de papa, une belle soeur, 4 beaux-frères ainsi que ma cousine Marie-Annick. 
La famille de papa, si unie, avec laquelle nous avons  partagé tant de fêtes... alors que celle de maman, déchirée depuis si longtemps, nous a privé du plaisir de connaître nos cousins. Absurdité de la vie !

Et puis, nous avons appelé Anthony, notre fils, pour lui fêter un heureux anniversaire. Je le sens tellement impliqué dans ma bataille. Je sais que son épouse, Soizic, est à ses côtés.   

Et les enfants qu'ils doivent préserver. Je ne voudrais pas que l'inquiétude de leurs parents à mon égard déteigne sur eux : laissons les bercer par l'insouciance de l'enfance...

Aujourd'hui, nouveau bilan sanguin. 

16 h 30
Je reçois déjà mes résultats sanguins. Les globules blancs sont au-dessous de la normale.
Je suis en aplasie (ma moelle osseuse ne fait plus son travail). Je dois  recevoir cette semaine 5 jours d'injections de granocytes (facteurs de croissance) pour que ma formule sanguine redevienne normale. Ces injections ne sont pas systématiquement administrés. Si mon hématologue me les prescrits après chaque cure, c'est qu'il y a une bonne raison et je lui fais entièrement confiance.

La semaine la plus difficile va se terminer. La deuxième devrait être plus clémente.


Mardi 18 octobre

Ma nuit a été des plus réparatrices. J'ai fermé les yeux au début de l'émission "l'amour est dans le pré" et n'ai pas entendu Gervais se coucher après sa répétition théâtrale.
J'ai commencé à aller un peu mieux hier après-midi bien que je reste encore bien "embarbouillée".

Joëlle, ma voisine, est passée me voir. Nous avons parlé du jeune homme qui habite près de chez nous (18 ans) et qui se bat contre une leucémie. Intolérable ! 
J'ai remis à Joëlle la boîte de "seaband bracelets" pour qu'elle la montre à sa maman. C'est Annaïk qui me l'avait confiée lors de notre voyage à Lyon. Cela avait fonctionné pour elle lors de ses chimios. (Annaïk, jeune femme de 36 ans, allogreffée grâce à un donneur anonyme).
Je pense que cela a eu son effet sur moi aussi. Cela agit comme des points d'acupression.
Merci Annaïk.

Mon fils Samuel m'a téléphoné dans l'après-midi. Avec Isabelle, son épouse, ils promenaient leur petit garçon. Ils ont été privé pendant de nombreuses années de la joie d'être parents. Nous avons souffert avec eux, pour eux. Et le miracle est arrivé : Sacha est entré dans leur vie l'année dernière, petit bébé de 3 mois et demi. Le bonheur. 

Bien que je m'étais promise de ne jamais revenir dans cette maternité mayennaise pour y accoucher, notre désir d'avoir un troisième enfant fut le plus fort. Deux ans et demi après Anthony, je mettais au monde une petite fille ! Belle surprise, moi qui pensais avoir un autre garçon !

Anne-Sophie m'a aussi appelée hier soir. Anne-Sophie se préserve quant à ma maladie. Je sais que la peur la "taraude", peur de perdre sa maman. Mais je la rassure : le lymphome est un cancer qui se soigne bien. Le mien n'est pas agressif, soigné à temps et il ne m'emportera pas. Qu'elle se rassure ! C'est juste le moment de lui faire "cli-claques"...

Le principal souci étant quand même le risque élevé de récidives à plus ou moins long termes. Mais d'autres traitements existent et de nouvelles thérapies, déjà expérimentées ou non, pourront être adaptées le cas venu.
Mais plutôt de penser au futur, il faut revenir au présent et cheminer jour après jour vers la rémission.


Mercredi 19 octobre

Ce matin, j'ai pu effectuer quelques tâches ménagères.

Hier après-midi, Anne-Marie Ch., réflexologue plantaire, est venue me faire un soin à domicile. J'ai beaucoup aimé ses massages. Cela m'a bien détendue.
La réflexologie est un excellent soin de support lors des traitements contre le cancer.

Contrairement à d'autres centres anti-cancéreux, il ne fait pas partie des soins de support pour les malades, à la Polyclinique de Cesson Sévigné, pas plus qu'au CHU Pontchaillou à Rennes.
Au Centre Baclesse à Caen, il se développe de plus en plus.
Anne Marie est aussi aide soignante à la Polyclinique.
Quand le traitement sera derrière moi, avec France Lymphome Espoir, nous organiserons des permanences à la Clinique. Nous essayerons de sensibiliser la Direction aux bienfaits de ces soins.

Après le passage de Anne-Marie, j'ai mis chaussures, manteau et écharpe et suis allée prendre un peu l'air : jusque chez ma sœur à quelques centaines de mètres de chez moi. Maman étant là, je l'ai ensuite raccompagnée chez elle puis suis revenue.

La première semaine de cure est derrière moi et je vais reprendre doucement une vie plus normale.


Jeudi 20 octobre

Je me réveille "en forme". Je mange désormais normalement. Je vais préparer le repas de ce midi.

Voilà deux jours que je m'endors pendant la sieste : sommeil réparateur !
Hier après-midi, de nouveau, je me suis habillée chaudement, et suis allée jusqu'à l'épicerie du village faire quelques courses.

Anthony est venu nous voir avec ses enfants. Au retour, il a laissé ses filles chez ses beaux-parents. Nous n'aurons pas de petits "bouts" pendant ces vacances-ci, ni celles de Noël. En février, j'espère.

Mon petit fils, Jiyan, 12 ans et demi va "garder" son petit frère de 7 ans pendant que leurs parents travaillent. Ils ont un petit frère Elouan. Je suis leur seule mamie.

Le lymphome folliculaire est de bon pronostic quant à la longévité de la vie. Avec les anticorps monoclonaux, il est même évoqué une possible guérison après dix ans de rémission.
 
Le mot "Mamie" sortira de leur bouche pendant encore longtemps... Espoir.

Aujourd'hui vont commencer les injections de Zarzio 30 afin de stimuler ma moelle osseuse.

Mon lymphome a été diagnostiqué stade 4 compte tenu de son extension à la moelle osseuse. Cette dernière a cependant toujours parfaitement fonctionné, peut-être du fait qu'elle ne soit touchée qu'à 10 %.
Je vais voir les effets de ces injections sur moi. Elles peuvent donner des douleurs osseuses.

Cette période de ma vie va être l'occasion de faire le point sur mes souhaits pour l'avenir, quand l'orage sera passé.
Je pense que je serai plus forte au sujet de mes décisions à prendre et ce, à tout point de vue.
J'ai toujours eu l'impression de vivre telle une maison dont les fondations n'auraient pas été solides, tel un bateau qui tangue sur une mer calme.
 
Une telle épreuve vous change à jamais. Et je sais, qu'au cours des années qui me resteront à vivre, je serai l'acteur principal de ma vie.


 Vendredi 21 octobre

Cette première injection de granocytes n'a pas eu d'effet secondaire. Je n'ai eu aucune douleur osseuse. Reste à voir avec les quatre qui vont suivre.
Les globules blancs sont en baisse : 3 030 pour une normale entre 4 000 et 10 000. Mes défenses contre virus et microbes en tout genre le sont donc aussi.
Mes forces retrouvées du matin ne durent pas bien longtemps. Je suis vite épuisée. 

Hier, j'ai fait mon petit tour dans le village. Je suis allée me recueillir sur la tombe de papa, j'en ressentais le besoin. Après cette petite marche d'à peu près un kilomètre, je suis revenue "vidée". Pour moi qui avais envie d'aller à mon cours de gym douce le soir, ce n'était plus possible. La semaine prochaine peut-être...

Depuis le début du traitement, je n'arrive pas à me concentrer sur la lecture. Je "survole" le journal.  C'est plus facile avec la télévision que je regarde un peu dans la journée. Le soir, je suis trop fatiguée et n'aspire qu'au calme. Je me couche très tôt abandonnant Gervais devant sa chaîne préférée "Bein", ce qui n'est pas sans lui déplaire !

Ce matin, j'ai une tendre pensée pour mes petits enfants. Je consulte le calendrier pour voir les dates de mes prochaines cures.
Je vois que la quatrième  devrait avoir lieu les 12 et 13 décembre. Le jour de Noël, je devrais être "bien" et cela me redonne un coup au moral.
Ce sera aussi le moment du bilan : un nouveau tep scan pour voir si le traitement fonctionne avant de revoir le Docteur D. le 29 décembre. Il faut que je reste positive, ne pas penser au cas où... il faudrait démarrer une autre forme de chimio.
 

Samedi 22 octobre

Je me suis réveillée cette nuit en sueur. Est-ce l'effet du traitement ? C'est un des symptômes de la maladie en tous cas. 

Une semaine et demi après la cure, je vais aussi bien que possible compte tenu des circonstances. Je n'ai pas perdu de poids et l'appétit est très satisfaisant. J'ai juste besoin de reprendre un peu de forces pour affronter la seconde.

Je suis très entourée dans cette épreuve. Je reçois de gentils messages ainsi que des coups de téléphone. Je remercie toutes ces personnes très chaleureusement.

Hier, j'ai eu la visite de ma cousine Sylvie. 
Sylvie est la "petite dernière" de tous mes cousins. Elle habite la même commune que moi. C'est une jeune maman très douce, très humaine. 

Elle a eu sa part de chagrin dans tous les deuils que nous avons partagés. En six mois, elle a perdu une de ses sœurs et son papa. Ces deux décès furent relativement éprouvants : sa sœur trouvant la mort sur la route à 59 ans et son papa fermant définitivement les yeux après des mois de lente agonie. Je crois que le mien, voyant son frère réduit à un "état végétatif" tout en étant conscient, avait déjà pris sa décision au cas où lui...

Au cours de cette semaine d'accalmie, nous allons en profiter pour avoir une vie à l'extérieur de notre maison.

Pourtant, je vais sans doute devoir affronter un autre effet secondaire, et pas le moindre : la perte de mes cheveux. Ma féminité va être mise à dure épreuve !
Je vais essayer encore une fois d'être forte. On me dit qu'ils repousseront "plus beaux" mais aujourd'hui je le vis comme une double peine.


 Dimanche 23 octobre

Cette nuit, mon sommeil n'a pas été très réparateur. J'ai fait un horrible cauchemar.
Ce matin, j'ai une tête "à faire peur" pour ne pas employer une autre expression !
Mon ventre, tout ballonné, me fait mal, irradiant même jusqu'au dos. J'ai été trop gourmande ces jours-ci. Bien que ce ne soit pas le moment de faire "diète", je vais quand même limiter l'apport de nourriture aujourd'hui. Je vais manger plutôt "liquide". Très désagréable tous ces gaz intestinaux !
J'avais opté un moment pour l'alimentation "sans gluten", ce qui limite énormément tous ces dés-inconforts. Je vais m'y remettre temporairement.

Mais le ventre n'est-il pas notre deuxième cerveau ? Et ces désagréments ne sont-ils pas liés à ce que je vis dans mon corps et dans ma tête ? Ne reflètent-ils 
pas mes états d'âme ?

Je me suis surprise ce matin, au réveil, me passant la main dans les cheveux. Ils sont encore là mais pour combien de jours ? Cette perspective de les perdre sonne comme une nouvelle épreuve.

 "Perdre ses cheveux, c'est ébranler sa féminité, c'est donner à voir la maladie à l'extérieur, c'en est aussi un rappel constant" . 

Cette phrase, tirée d'un livret édité par l'institut National du Cancer, trouve tout son sens dans ce que je m'apprête à vivre.
La série "décès" continue : nous avons appris hier soir la mort d'une tante de Gervais. La génération de nos parents disparaît, nous inscrivant désormais comme premiers en haut du tableau noir...


Lundi 24 octobre

Mes forces sont revenues et, ce matin, je suis partie seule faire des courses à quinze kilomètres de la maison. J'avais l'impression de ne plus être malade...

Pourtant, à l'arrivée du petit matin, j'ai fait un rêve : j'étais en train de me couper les cheveux et, plus je coupais, plus il y en avait... impossible d'en voir la fin ! 

Cette histoire de perte de cheveux m'obsède. Bien que je le sache depuis quelques semaines, je n'arrive pas à l'accepter.
Je suis complètement "paniquée". Pourtant, ils sont bien laids et la coupe aurait  besoin d'être réajustée, mais à quoi bon évidemment !

La soixantaine est déjà un cap difficile à passer pour une femme. C'est l'âge où la beauté se fane peu à peu : la peau se relâche, les rides se creusent... Se retrouver chauve en plus, c'en est trop pour moi !

J'ai encore mal au ventre et l’appétit complètement coupé. Je mets cet état sur le stress qui augmente jour après jour.
Gervais appréhende beaucoup aussi : dès qu'il se réveille, il regarde si ma chevelure est encore sur ma tête !

Demain, j'ai rendez-vous avec une infirmière "d'annonce". En fait, j'aurais dû la rencontrer avant la première chimio afin qu'elle m'explique tout le processus. Cette rencontre ne va peut-être rien m'apprendre mais je vais pouvoir parler à une professionnelle de cette peur qui me hante !
Une psychologue se tient également à la disposition des malades ainsi qu'une socio-esthéticienne.

C'est toute la complexité de l'être humain : être dans une telle crainte pour un fait qui n'est pas irréversible alors que le combat mené est "de taille" et qu'il n'y a aucune certitude quant au résultat final.


Mardi 25 octobre

Je me suis toujours relevée après des moments difficiles. Et je sais que mon tempérament de "guerrière" va l'emporter sur mes doutes.

J'ai donc eu ce matin un entretien avec l'infirmière d'annonce. Elle m'a rassurée au sujet du traitement en me disant que c'est très rare qu'il ne fonctionne pas.

Lors de cet échange, j'ai compris la chance (si on peut parler de chance) d'avoir un lymphome aujourd'hui plutôt qu'il y a 20 ans. Les nouveaux traitements chimiothérapiques et l'immunothérapie nous donnent l'espérance d'avoir une longue rémission voire même une guérison. Et tous ces produits qui sont désormais là pour nous éviter nausées, vomissements, gonflements, prévention de zona, d'herpès, soins en cas de mucite (aphtes+++)...

Pour revenir au sujet de toutes mes angoisses d'hier, elle m'a aidée à prendre une décision. La chute des cheveux va vite arriver, si ce n'est ces jours-ci, ce sera automatiquement la semaine prochaine.
Elle m'a conseillé de les faire raser. Je dois dire que beaucoup m'ont déjà préconisé de le faire. Ainsi, je n'aurais pas la désagréable surprise de les retrouver en vrac sur mon oreiller un matin, ou de les voir tomber par poignées.
J'ai donc pris un rendez-vous demain à l'institut où j'ai acheté ma prothèse capillaire. On va me les raser. Ensuite, la coiffeuse prothésiste me montrera comment bien positionner ma perruque. Grand moment d'émotion !
Reste à croiser les doigts pour que la chute ne se fasse pas avant demain.

Avec l'infirmière, nous avons parlé des produits déremboursés : celui concernant le cancer du sein est celui qui vient en prévention des récidives. Effrayant !

Cet après-midi, j'ai eu la visite de Josette. Josette est l'épouse de Paul qui partage sa passion de la chasse avec Gervais. J'ai passé un agréable moment en sa compagnie. J'aime sa gentillesse et sa simplicité. 

Cette troisième semaine est une vraie bénédiction. J'apprécie doublement de faire ce que je veux, d'aller toute seule où je veux. Toutes ces choses que l'on fait quand tout va bien et que l'on ne sait pas apprécier à leur juste valeur ! 


Mercredi 26 octobre

Nous partons presque sans appréhension chez la prothésiste capillaire afin qu'elle me rase la tête. Il est temps car, en passant la main sur mes cheveux, j'en ramène des mèches...

Elle a tourné le fauteuil afin que je ne voie rien. Mais... quand elle s'est absentée... pour chercher je ne sais trop quoi... je me suis retournée....et... j'ai vu ma bouille à Z dans le miroir.
Cela ne m'a pas choquée outre mesure. Pas plus que Gervais.
Mylène (la coiffeuse) m'a encore expliqué comment positionner ma perruque et m'a demandé ensuite de le faire moi-même.

J'en ai profité pour lui remettre le CV de ma fille. Anne-Sophie recherche un poste de responsable de salon et l'inquisiteur du salon Balthazar de Rennes en possède d'autres. Qu'elle n'a pas été ma surprise lorsque Mylène m'a dit que cette candidature arrivait à temps. Elle doit quitter Rennes pour suivre son mari et cherche une remplaçante... Comme on dit : "quelquefois un mal pour un bien" ! Anne-Sophie et Mylène se connaissent pour avoir effectué un stage de barbier ensemble il y a quelques mois.

C'est donc "perruquée" que nous sommes partis. Nous avons passé une partie de la journée chez les parents de notre belle fille Soizic (nous les remercions pour le déjeuner) et chez Anne-Sophie. Nous avons ainsi pu embrasser six de nos petits enfants. J'ai enlevé ma perruque devant Soizic, sa maman, Lalie et sa cousine Elisa. Courageuse Lalie du haut de ses 9 ans !

Pour la première journée, j'ai eu l'impression d'avoir un casque sur la tête. Quel bonheur en arrivant à la maison de l'ôter et de la remplacer par un turban
  
Jeudi 27 octobre

Aujourd'hui, je vais toujours bien. Cet après-midi, ce sera un thé dansant. Je vais laisser à la maison mes angoisses et mes interrogations. Oublier la maladie pour quelques heures.

Les personnes connaissant mon problème de santé se sont montrées très chaleureuses. Certaines m'ont félicité au sujet de ma perruque. Elles l'ont trouvée belle, cela fait chaud au cœur. 

Le prix exorbitant en a surpris plusieurs. On m'a aussi cité telle ou telle personne qui n'avaient pas bien supporté la leur. Moi, je l'ai carrément "oubliée" cet après-midi.

Il faut savoir que la Sécurité Sociale ne rembourse que 125 euros et que certaines mutuelles donnent peu ou très peu. Pour ma part, je ne sais pas encore si la nôtre va en prendre une partie à sa charge !

Je pense que tout est question de qualité et donc de prix. Certaines valent moins de 200 euros, alors que d'autres atteignent les 600 euros, voire plus.
J'ai lu sur certains forums que des personnes cherchent à revendre la leur après traitement. Personnellement, je n'essaierai pas de renflouer mes économies en agissant ainsi car je sais pertinemment qu'elle pourrait un jour m'être de nouveau utile.

vendredi 28 octobre 

Aujourd'hui, papa aurait eu 93 ans. Mes larmes coulent encore ce matin. Pour beaucoup, il avait l'âge de nous quitter. Mais pour moi, sa fille, j'aurais tant aimé qu'il fasse encore un bout de chemin avec nous.

Gervais est absent : c'est sa journée "chasse" en Vendée.
Je suis en forme. Ce sera journée "détente" pour moi aussi, à ma façon. Un bon bain "balnéo" dans la matinée. Cette baignoire, que j'avais tant voulue pour soulager mon dos,  ne sert pratiquement que pour les petits enfants. C'est tellement plus rapide de prendre une douche ! Pourtant quel bien être après.
(Ce soir, Gervais me gronde : pas prudent le bain... si tu avais fait un malaise... bla bla bla...)

Une bonne sieste cet après-midi. J'ai été très active les jours derniers, donc je me dois de rester au calme pour acquérir suffisamment de forces pour les deux semaines qui s'annoncent.
Un petit tour pour prendre l'air à l'épicerie du village et chez maman.


Samedi 29 octobre

J'ai encore bien dormi. J'effectue quelques tâches ménagères afin de m'acquitter de tout ce qui me reste à faire (linge, etc.).

Encore une bonne sieste cet après-midi. Un petit bol d'air pour m'aérer un peu.
Ce soir, cinéma :  "Radin" avec Dany Boon. Cela fait du bien de rire un peu. Une belle leçon de vie quand même : bien qu'il soit le plus radin des hommes, ce Monsieur Gautier donne un rein à sa fille !

J'ai bien fait de me faire raser la tête. Le cuir chevelu me démange et mon crâne se dégarnit. Dans quelques jours, il sera lisse.


Dimanche 30 octobre

J'ai beaucoup dormi. Une manière de fuir la réalité sans doute !  L'angoisse revient. Demain, je commence ma deuxième cure : injection de l'anticorps puis mercredi ce sera la chimio. Et après, je sais que ce ne sera pas la grande forme. Il faudra faire avec encore une fois.
Allez, on positive ma fille, après il n'y en aura plus que quatre ! Voilà, c'est un bon calcul : 30 % de fait comme me dit Dominique.

Ce matin, je me bannis : j'ai effacé malencontreusement l'article : "première cure". Peut-être que mon fiston va réussir à me le retrouver. Heureusement, j'ai sauvegardé les deux premières semaines. Et je vais puiser dans ma mémoire le début de celle-ci.

Ce soir, nous allons avoir la visite de Christiane. Christiane revient de trois semaines au Vietnam. Elle va nous raconter, nous montrer les photos. Christiane est la créatrice de la troupe de théâtre dont nous faisons partie. Elle en reste "le moteur". Elle connaît malheureusement bien la maladie. Elle a perdu son mari il y a deux ans.
Guy était un battant mais, en dépit de tout, le myélome a gagné. Tu restes un modèle pour moi Guy. Ta force et ta ténacité face à l'épreuve, je dois les faire miennes aujourd'hui.

C'est super d'avoir un fils informaticien : mon article est retrouvé et j'en suis super heureuse. Merci Anthony.

Une autre bonne nouvelle : ma fille va devenir la responsable du salon de coiffure-perruquerie. Son patron actuel, très déçu,  voyait en elle la future manager d'un de ses salons : trop tard ! 


Aujourd'hui, j'ai mis ma perruque toute la journée. Je la supporte très bien. Ravie de mon achat.


Le premier épisode de mon traitement se termine.


Demain sera un autre jour avec le commencement de la  deuxième cure... 

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